int fabrique de l art 3 et 4
int fabrique de l art 3 et 4
1 - La fabrique de l’art / 4
une vidéo tournée le 10 février 2007
Dans la série des vidéos consacrées à la fabrique de l’art, voici fabrice hyber. Le principe de tournage est simple : capture en seule journée avec un appareil photo ou un téléphone mobile. Pas de voix off ni de musique. Montage rapide : “... adesso ci siamo, fai presto !”
Prochaine vidéo : thierry ehrmann
2 - la fabrique de l’art / 3
“ L’art n’existe pas, c’est entendu. Il n’en produit pas moins chaque jour des chefs d’œuvres admirables.”
Il faut partir de ce que nous savons tous. De ce que nous sentons tous. l’art n’existe pas. Ou du moins n’existe-t-il que par pure convention. Tout objet est ou non métamorphosé en « objet d’art » par le jugement de celui qui s’autorise à le désigner comme tel pourvu qu’ici et maintenant il soit autorisé symboliquement à le faire. Refusons donc l’arbitrage de celui-là qui s’autorise. Contre Kant partageons l’avis de Hume pour qui « la beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes ; elle existe seulement dans l’esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente ». Autrement dit acceptons l’évidence que le lieu-du-centre-du-jugement-du-monde est dans notre tête et non dans quelqu’autre tête que ce soit, quand bien même serait-elle mieux faite que la nôtre. Simulacre essentialiste, le jugement d’art ne s’ajuste en outre sur rien de physiquement tangible et mesurable, c’est-à-dire opposable à qui contesterait telle ou telle désignation-d’art en s’appuyant sur une qualité d’objet qui pourrait stabiliser pour un temps l’accord-d’homme-sur-les-conventions-des-mondes-d’homme comme le sont dans leurs domaines la largeur des rails, la couleur des feux tricolores ou la hauteur d’une marche. Refuser le simulacre du jugement d’art, ce n’est pas seulement contester la qualité de juge-d’art de ces minis trous noirs que sont ces hommes et instances d’hommes qui prétendent juger d’art, mais c’est surtout refuser de se laisser attraper in extremis par la queue en prenant précisément position sur le terrain d’art. Autrement dit, en devenant soi-même un ventre-réceptacle-d’art fonctionnant comme un trou noir. A bonne distance du rayon de Schwartzschild du trou-noir-de-l’art, restons-en donc à dire que « l’art » ne porte en lui aucune grammaire universelle opposable et ne possède aucune qualité de nature à lui conférer une quelconque réalité tangible. Pur acte de jugement, le mot-ventre-mou-d’art ne tient en tant que mot-faisant-sens que par la magie de l’imposition de ceux – personnalités physiques et morales - qui possèdent les moyens d’imposer aux autres leur « goût », c’est-à-dire la projection fantasmatique du simulacre de leur propre métamorphose. C’est pourtant dire si ce fantasme de propriétaire-frustré-de-ne-pas-emporter-ses-propriétés-dans-la-mort a procédé d’apparitions cocasses et, avouons-le, tristement ridicules au cours des âges, façonnant l’art-ventre-mou au gré de l’état des techniques et du possible représentable du moment (ce que les payés-pour-dire-l’art appellent l’esthétique). Sanction du marché oblige, ce possible représentable s’est toujours ajusté absolument à l’objet-image qu’un possesseur d’art se croit en droit à tel moment et en tel lieu de posséder. Ainsi hier du portrait bourgeois ou de mœurs bourgeoisantes, de l’hyper-réalisme morbide des vanités – crâne en glacis ou requin sous formol - qu’affectionne le nouvel-enrichi, de la représentation métamorphosique de la munificence, du naturalisme alpestre, agreste, impressionniste, pseudo-réaliste ou photographique, du gigantisme sériel ou brutaliste etc. Ainsi aujourd’hui du pur miroir de chair d’art exigé par la classe possédante qui aime par-dessus tout se mirer dans ses représentations marchandisées, jouir en voyeur de la déchéance de l’Autre-chosifié ou dilater son image-de-soi-pour-soi en affichant dans sa cuisine, son hall de siège social, sur son rond-point ou dans son parc arboré un bel exemplaire d’art-de-beau-monumental. Que l’on ne se méprenne pas : cet art-ventre-mou d’hier et d’aujourd’hui est toujours de même espèce, imposant à son facteur - « l’artiste » - le rôle univoque et plat de simple révélateur de la grandeur de son vrai maître et créateur qu’est le possesseur d’art. Cet art-ventre-mou n’est pas plus vrai ni plus réaliste aujourd’hui qu’hier. Il n’est pas plus morbide ou dénonciateur aujourd’hui qu’hier. Il n’est pas plus « vrai » ni moins faux en ce qu’il serait plus proche de quelque vision d’art romantique qu’auparavant : le spectacle du sang des vaincus, celui de la chair suppliciée des corps, le réalisme cru d’un visage, le gigantisme et/ou l’amoncellement d’une composition en triptyque, verre pilé, motif floral ou or fin n’étaient naguère pas moins faussement audacieux et vraiment rehausseurs de grandeur des possesseurs d’art qu’aujourd’hui. Autant hier qu’aujourd’hui, le pourvoyeur d’art qu’est l’artiste était pris dans les mêmes rets d’un discours justifiant la grandeur de l’autre en tant qu’ayant droit à juger de l’art en général et de son art en particulier, il était pris dans ce même caquetage infatué auquel cette vidéo nous convie, englué dans un même tissu autoréférentiel « inspiré », dans cette même recherche maladive de la grandeur de soi par la grandeur de l’autre, hier comme aujourd’hui façonnant en direct son être-au-monde d’homogénéisateur : celui qui nomme, qui possède et par là qui magnifie et se fait posséder, quark essentiel de la pseudo matière art qui n’est que pur mouvement spatial, pure énergie déclamatoire, pur discours a la fois creux, ridicule et considérable, car sans lui le possesseur d’art ne se grandirait jamais à s’abaisser à acheter l’art de celui qui ne serait alors à ses yeux que ce qu’il est : un faire-valoir. (c) jf paillard - 2008.
Voir aussi :
fabrique de l’art 2: l’art-de-beau-monumental (mon ami schümi de basel)
fabrique de l’art 1: 3 œuvres d’artistes du 21e s décryptées pour vous...
jeudi 12 mars 2009