herosj1
herosj1
un héros - journal.
Je ne sais comment ils font. On dit qu’ils ne raturent jamais, ne reviennent jamais, ne corrigent jamais - ou si peu, le corps du texte comme basculé vers l’avant, tout entier s’abandonnant à sa courbure naturelle. D’autres procèdent lentement, charriant à chaque pas un flot épais, bourbeux, chargé de mille scories - fautes ou licences. Ils se rattrapent au col, stationnent, se relancent par d’incessants retours en arrière, multipliant les relectures et les repentirs. Le fil souvent s’embrouille, n’hameçonne plus rien ou casse...
...de nous chamailler, de tirer à hue et à dia et de nous faire copieusement engueuler. Je me souviens que la rue était toujours vide, silencieuse, sans bagnole aucune, emplie de chants d’oiseaux, peuplée de silhouettes dont les ombres s’étiraient à l’infini sous l’éblouissant soleil de novembre. La route, si je me souviens bien, s’affaissait doucement en direction des berges. Arrivés au bout de la rue, on traversait une avenue, puis une vaste esplanade de gravier rouge, qui comptait plusieurs terrains de sport, tous désertés en cette période de vacances. De là, on l’entendait déjà gronder. Sa voix sourde et rugueuse s’amplifiait à mesure que l’on s’en approchait, jusqu’à ce que, parvenu en haut d’un fort remblai, on l’entendît vraiment rugir. Son large dos en miroir. Ses bras morts. Méandreux. Gorgés, disait la tante, de vairons, de gougeons et d’anguilles. Que nous ne voyions jamais, pour autant que je m’en souvienne, que dans les seaux de pêcheurs taiseux.
Les voici, les pêcheurs. Soudain révélés à mes yeux d’enfant. Trois silhouettes lointaines vues à contre-jour. Et moi, posté, en compagnie du frère, sur l’immense rive de sable ou de gravière. Rive dangereuse ! avait prévenu la tante. Gare aux sables mouvants ! avait-elle mis en garde. Noyés dans un bruit de cataracte, les pêcheurs que j’aperçois sont pourtant campés au milieu d’un bras à fort courant. Leurs cuissardes sont remontées au-dessus du nombril. Le flot incessant bouillonne entre leurs cuisses. Ils usent de leur longue canne souple comme d’un fouet. En arrière plan, je vois une île, qui est une langue sablonneuse, plantée d’un fouillis de saules et de peupliers noirs, sous un ciel chargé de gros nuages blancs, où volent bas des nuées de canards, de courlis, de... (extrait de la page 32)
(c) J-F Paillard 2010
mardi 23 novembre 2010